INTERVENTION DE MADAME GEORGINA MUÑOZ GIL
ECHEVINE DE LA VILLE D’OLESA DE MONTSERRAT
CATALOGNE - ESPAGNE
Cher Monsieur Willy Demeyer, Bourgmestre de la Ville de Liège,
Cher Monsieur Michel Firket, Échevin,
Mesdames, Messieurs,
Chers amis,
Apreciados amigos y compatriotas aquí presentes.
Je voudrais en tout premier lieu féliciter et remercier la Ville de Liège pour avoir soutenu le projet du Collectif Génération Lorca : « Le Mur des Libertés » et de m’avoir conviée à prendre la parole en qualité d’Échevine de la ville d’Olesa de Montserrat.
Mes remerciements bien entendu à Alain De Clerck l’artiste, à Aloys Beguin l’architecte et à Manuel Rodriguez, porte-parole et coordinateur de notre Collectif pour leur travail et collaboration inestimable.
Ce soir, j'ai l’honneur de représenter mon pays.
C’est au nom de mes compatriotes et de ceux et de celles qui ont fait un jour de la Wallonie, leur terre d’accueil que j’interviens.
Je tiens à évoquer ce soir le souvenir des êtres chers qui nous ont quittés et qui auraient été si fiers et surtout tellement émus de voir que ce monument leur est dédié.
« Le Mur des Libertés » C’est la reconnaissance aux deux millions six cent mille personnes qui quittèrent l’Espagne pour la plupart contre leur gré. Deux raisons principales les poussèrent à s’exiler : d’une part la répression politique du régime franquiste et de l’autre une économie qui sombrait de nombreuses régions espagnoles dans une situation de pauvreté.
Je voudrais à ce titre faire mention à la jeunesse actuelle de mon pays, aux milliers de jeunes qui sont malheureusement obligés d’émigrer. Et même si les conditions sont différentes, la déchirure que provoque le fait de s’éloigner d’un avenir près de sa famille et de son entourage reste absolument analogue.
Le « Mur des Libertés » rend aussi hommage à notre grand poète et dramaturge universellement connu : Federico Garcia Lorca et aux valeurs qu’il représente.
Le poète Louis Aragon écrivait ces vers :
« Au-dessus de ce corps et contre ses bourreaux à Grenade aujourd’hui surgit devant le crime.
Et cette bouche absente et Lorca qui s’est tu, emplissant tout à coup l’univers de silence. Contre les violents tourne la violence. « Dieu le fracas que fait un poète qu’on tue ! ».
Lorca fut l’une des premières victimes de l’insurrection militaire contre la jeune République espagnole.
Il fut brutalement assassiné en août 1936 par les milices fascistes près de sa Grenade natale.
On lança son corps à la fosse commune.
Sa dépouille n’a toujours pas été retrouvée, comme celles de milliers de victimes non plus d’ailleurs.
La blessure reste encore ouverte de nos jours.
Quel était donc le crime de Federico ?
Tout simplement de représenter tout ce que le futur régime franquiste haïssait le plus : la Liberté, la République, de rapprocher la culture aux populations les plus humbles, d’être un démocrate, d’être homosexuel, d’être athée et de s’identifier avec tous ceux qui souffrent, se sentent exclus ou rejetés.
Lorca était dangereux.
Le fascisme ne tolère pas la lutte contre l’injustice, contre l’ignorance ni par le biais de la culture et encore moins par l’expression des idées.
« La poésie est cependant une arme chargée de futur », disait Gabriel Celaya, un autre poète espagnol contemporain de Lorca.
L’œuvre et la pensée de Garcia Lorca sera toujours d’une intense actualité car elle symbolise entre autres, la solidarité, l’engagement social, les principes de la démocratie et la lutte contre l’intolérance.
Voilà une des raisons pour laquelle la phrase « DANS LE DRAPEAU DE LA LIBERTÉ, J’AI BRODÉ LE PLUS GRAND AMOUR DE MA VIE » a été choisie pour ce monument.
Permettez-moi de vous expliquer son origine et vous comprendrez alors la force qu’elle émane.
En 1925 sous la dictature du fondateur de la Phalange, Primo de Rivera, F.G. Lorca écrit une pièce de théâtre, inspiré par le personnage réel de Mariana Pineda Muñoz.
Mariana était une héroïne espagnole militante de la cause libérale au XIXe siècle. Le roi Ferdinand VII abroge la Constitution et manquant à son serment, il rétabli l’absolutisme en Espagne.
Le pouvoir entame une répression radicale.
Mariana Pineda, s’implique de plus en plus dans la lutte.
Lors d’une perquisition, la police royale découvre chez elle le drapeau mauve du mouvement révolutionnaire brodé avec la devise libérale : Loi, Liberté et Égalité.
Elle fut arrêtée et exécutée par le supplice du garrot en 1831 à Grenade. Elle avait à peine 26 ans. Son crime ? Être une femme, appartenir à un mouvement politique et conspirer contre l’absolutisme.
Mariana Pineda symbolise la contribution espagnole à la lutte pour les Droits et les Libertés en Europe tant et si bien qu’en 2006 le gouvernement de l’Union Européenne lui rend hommage en donnant son nom à l’entrée principale du Parlement Européen à Strasbourg.
AUX GUIDES ET ENSEIGNANTS
Je voudrais m’adresser maintenant aux guides et aux enseignants de la Ville de Liège car vous êtes amenés à faire connaître ce monument aux visiteurs et aux jeunes générations. Car ce monument, comme vous le savez, a une vocation pédagogique.
C’est une source inépuisable de thèmes divers que vous pourrez développer, notamment l’histoire des migrations quelles que soient leurs origines.
Nous comptons sur vous pour perpétuer à travers vos explications la mémoire des milliers de femmes et d’hommes courageux qui contribuèrent au développement de la région par leur travail dans les charbonnages, à la Fabrique Nationale, dans les sidérurgies et ailleurs. Nombreux s’engagèrent pleinement dans la lutte pour les droits sociaux de la Wallonie et côte à côte avec les Belges.
Expliquez le pourquoi et le comment de leur exode un peu partout dans le monde.
Expliquez aussi le rôle fondamental des centres culturels espagnols, dont les clubs Federico Garcia Lorca, et la contribution des immigrés au rétablissement de la démocratie en Espagne.
Enseignants de la Ville, vous avez devant vous un travail passionnant, extraordinaire et je dirai même que fondamental pour la société.
FINAL
Finalement je ne voudrais pas vous quitter sans remercier à titre personnel la Ville de Liège de nous avoir accueilli mes parents et moi en février 1957, ici même, dans le quartier du Nord.
Ma gratitude à la Belgique mon autre « ptite patreye » qui a permis à ma génération de grandir en Démocratie alors que notre pays vivait sous le joug de la dictature franquiste.
Je remercie toutes les personnes qui à un moment ou un autre ont su nous transmettre une langue, une culture, une éducation et des valeurs qui nous accompagneront toujours.
M. Demeyer, M.Firket
J’ai le plaisir de vous remettre une plaque commémorative de ma ville, Olesa de Montserrat, en souvenir de cette inauguration et en signe d’amitié entre nos deux villes.