Francisco Sánchez 
Medina Gabril & Encarna 
Gonzalez José Manuel & Blanquita 
Serrano Felipe & Josefa 
Luque Amalia  
Anonio Haro & Lolita 
Filardi Antonio 
Fernández Mari Luz 
 
 
 
 
 
Liège août 2011    
Propos recueillis par Manuel Rodriguez
Solidarité avec les dirigeants de CCOO à Liège
Les démocrates liégeois se mobilisent pour la liberté de Julian Grimau
brutalement par la Brigade Politico-Social franquiste. Les bureaux de cette Brigade se situent aux cinquièmes étages. Julián Grimau va mourir dans d'étranges circonstances. Les sbires de l’odieux régime franquiste, déclareront que c'est un suicide, car le prisonnier s'est jeté par une des fenêtres de leurs bureaux. Personne ne croit ce grossier  mensonge. Immédiatement, le Secrétariat du PCE de Liège, ainsi que le Club Federico García Lorca feront un appel à tous les démocrates, pour dénoncer le plus horrible des crimes que vient de commettre la dictature fasciste du général Franco. Accompagné par Monsieur Théo Dejhaes, (membre du Parti Communiste Belge) et de Jules Rasquin (avocat), Francisco ira trouver le Bourgmestre de Liège pour que celui-ci autorise une manifestation pacifique dans les  principales rues de la Ville. On autorisera cette manifestation à la seule et unique condition, que Francisco signe un document par lequel il se responsabilise de quelques désordres sur la voie publique et des dégâts matériels que ladite manifestation pourrait provoquer durant tout le parcours de celle-ci. Sachant très bien le risque qu'il prend, Francisco signera ce document sans trembler et la manifestation aura bien lieu. Celle-ci va se dérouler de façon pacifique et surtout pleine de dignité. Elle aura un énorme succès de foule, et aucun incident ne viendra la perturber, à la grande satisfaction de Francisco et des camarades chargés du Service d'Ordre.
 
La dernière des félonies de la dictature franquiste, sera le procès du dossier  1001/72 du TOP (***) (Tribunal d'Ordre Publique)
 
Ce procès aura lieu en 1973, dans la phase finale du régime franquiste (le dictateur meurt en novembre 1975). Dans ce procès, les inculpés seront condamnés à cent soixante-deux ans de prison. Deux figures emblématiques du syndicalisme espagnol, font parties des accusés. Nicolas Redondo pour l'UGT (Union Générale des travailleurs) et Marcelino Camacho de CCOO (Commissions Ouvrières). <en 1977, à la restauration de la démocratie, ils seront élus Députés>. Encore une fois tous les démocrates et beaucoup de syndicalistes se mobilisent et participent dans une grande manifestation dans les rues de Liège, pour réclamer la liberté de tous les accusés. 
 
Antonio commente:
 
"Après quelques années de militantisme au sein du PCE, le délégué FGTB qui représente les mineurs de surface invite mon père à se présenter comme candidat aux élections sociales, organisées à la mine de Cheratte. Très connu et respecté par les mineurs, il sera élu et représentera les mineurs de fond au sein de la Délégation. Il sera  élu durant quatre élections et il ne finira pas le dernier mandat pour  cause de fermeture de la mine en 1977. Très actif dans le syndicat, Francisco montera les marches pas à pas et occupera divers postes dans les organes de direction du syndicat, et  arrivera à faire partie du Comité National de la Centrale des  Mineurs de la FGTB (Fédération Générale des  Travailleurs de Belgique)". 
 
Voici venu le temps de la pension et du retour :
 
"On sait que mon père est arrivé en Belgique en juin 1957 et qu'il a travaillé jusqu'à la fermeture du charbonnage de Cheratte en 1977. Il a donc travaillé pendant vingt ans comme mineur de fond. La législation belge concernant les pensions des mineurs, indique que pour avoir une pension complète, il faut avoir cotisé vingt-cinq ans. Les dix années de mine cotisées en Espagne ne sont pas prises en compte en Belgique. Il va donc prendre sa prépension en 1978 et sa pension en 1983. Mon père, comme beaucoup d'émigrés, rêve de retourner dans le pays qui l'a vu naître. Pour cela il faut se préparer. La première étape importante est d'avoir un logement. En 1974 il achète un appartement dans le même quartier qu'il avait quitté en 1940 pour aller à Albuñol. Maintenant qu'il a sa pension, il repense à son enfance malheureuse à Almería, à son adolescence à Albuñol, sa jeunesse à Sallent et quand il arrive en Belgique, il  a vingt-sept ans et quand il quitte la Belgique en 1978, il a quarante-huit ans. C'est vrai que c'est un jeune pensionné, mais il ne faut pas oublier qu'il est descendu dans le fond des mines de potasse ou de charbon pendant trente ans. Pour son retour, ce n'est pas avec une valise en bois qu'il revient, mais avec un grand camion de déménagement pour meubler l'appartement et une nouvelle voiture. Aujourd'hui, il vit heureux et profite d'une pension bien méritée".
Souvenirs de la famille
 
 
 
 
Francisco Sánchez, est né le 6 avril 1930 dans le quartier de la Plaza Pavía à Almería. Il a trois ans quand sa mère décède en 1933 et six quand éclate le 18 juillet 1936 la guerre civile. Il vit avec son père et ses deux frères, José et Juan. Son père travaille dans la marine marchande. Ce travail l'éloigne pendant des mois de ses fils et ses absences l'empêchent de veiller sur ceux-ci, comme il aurait voulu. A Almería, il n'y a aucun membre de la famille qui peut s'occuper des  trois enfants. .
 
Le 31 mai 1937, (1) les navires de guerre allemand bombardent la ville et la détruise totalement. Francisco, sans savoir où aller, cherche de la nourriture. Juan, son petit frère le suit partout. Voilà la vie qu'ils mènent jour après jour, dans la ville en ruine.
 
La guerre civile s'achève en 1939 et Francisco a neuf ans,  mais comme à chaque anniversaire, il n'y a personne pour lui souhaiter. Le seul qui lui apporte un peu de réconfort c'est son petit frère Juan, quand à son grand frère José, il fait bande à part avec des copains de son âge. Nous sommes en 1940 et cela fait un an que la guerre est finie, mais les deux enfants sont désemparés et vivent une vie de privation. Du haut de ses dix ans, Francisco qui a acquit  une certaine maturité se pose des questions. ''Que fait-on ici Juan?    Où pouvons-nous aller?
 
Ils sont conscients que la ville est un danger  permanent et qu'ils sont abandonnés à leur sort. Finalement, après mûre réflexion, Francisco se lève et d'un air décidé dit à son frère, ''on quitte la ville''.
Réunion de famille à Sallent
Francisco continue à travailler depuis l'aube jusqu'au crépuscule
Charbonnages du Hasard
Cheratte (Liège)
Mines de potassium a Sallent
Albuñol (Granada)
La Populaire (Liège)
Barrio de la Alcazaba
(Almeria)
Lieux
Sallent (Barcelona)
rio Llobregat
Images de l'histoire d'Antonio
 
La valise en bois d'Antonio
Photo d'archive:Almeria le 31 mai 1937 après le bombardement par la flotte allemande
Sallent (Barcelona) septembre 1956 quelques mois avant d' immigrer en Belgique
En chemin ils rencontrent des âmes sensibles qui les font monter soit sur des charrettes
''À Barcelone, il y avait des représentants de l'industrie minière, Belge et allemande. Ceux-ci recrutaient les futurs candidats pour travailler dans les charbonnages en Belgique (cas de mon père) et en Allemagne. Ceux-ci donnaient la préférence aux ouvriers qui avaient une certaine expérience de mineur de fond. Mon père, conduisait la locomotive dans le fond de la mine et était par conséquent considéré comme mineur de fond". En juin 1957, avec son contrat de travail en poche  et son visa bien scellés, mon père se prépare à entreprendre une nouvelle fois, le chemin de l’espérance. La première fois en 1940 d’Almería à Albuñol, en 1948 d’Albuñol à Sallent et en 1957 de Sallent à Cheratte. Ces diverses émigrations avaient toujours comme finalité, améliorer la situation économique et sociale de sa famille.” 
 
Premier contact avec le pays d'accueil.
 
Francisco arrive en Belgique en juin. Immédiatement il se met au travail. Très vite, il s'intègre dans son nouveau travail de mineur de fond. Dans la mine de  Cheratte (Liège) il apprend vite son nouveau métier. Son premier logement, sera ce que l'on surnommait à Cheratte 'l'hôtel'. En réalité, ce sont de petites chambres avec deux lits, qu'il doit partager avec un autre mineur. Ce n'était pas l'idéal, mais comme certains disaient, nous étions mieux logés que les Italiens, qui eux, quand ils sont venus travailler après 1945  ont été logés dans des baraquements préfabriqués en acier. (5)
 
En été, il faisait très chaud et en hiver très froid. À sa plus grande surprise, Francisco rencontre un ancien camarade de travail, des mines de Llobregat (Juan Borrero). Un autre hasard, est que le voyage en train de la gare de Barcelone à la gare des Guillemins, il va le faire en compagnie de Pedro Cervantès, une personne bien connue du Club FGL et Miguel Hernandez à Herstal sous le surnom de 'Papy' (mon beau-père).  En compagnie de Juan Borrero, Antonio Albacete, Pedro Cervantès, Agustín Rodado et quelques camarades, ils créent et s’intègrent dans la cellule (*) de Cheratte et participent aux activités du Club Federico García Lorca. Revenons au récit.  Cinq mois se sont écoulés depuis son arrivé en Belgique. Francisco estime qu'il peut rapatrier sa famille. Il estime que les conditions sociales économiques sont très favorables. Il arrive à la conclusion qu'il doit faire venir sa famille auprès de lui. Mais il ne peut pas, car il n'a pas de logement pour celle-ci. Sans perdre de temps, il va introduire un dossier auprès des Services Administratifs de la mine, pour qu'on lui attribue une maison. En moins d'un mois, la Direction de la mine lui concède une maison et le 08/12/1957 sa famille arrive en plein hiver à la gare de Liège-Guillemins. A peine descendu du train, sur le quai de la gare, un vent glacial nous gèle les doigts et les oreilles. Stupeur! Où est mon père? Je ne le vois pas! Il n'est pas sur le quai! Que se passe-t-il? Enfin une figure connue! C'est mon oncle Juan, époux d'une sœur de ma mère qui nous attend sur le quai. Celui-ci nous informe que mon père n'est pas venu car il est hospitalisé à Bavière (ancien CHU de Liège). On prend le bus direction Cheratte. On laisse nos valises à la maison et on reprend le bus vers l'hôpital. Enfin on peut embrasser notre cher papa. Mon père a meublé la maison, mais il fait un froid de canard dans celle-ci. Personne n'a allumé le poêle à charbon. Le lendemain très tôt, on est allé réclamer le charbon (**) gratuit du mois de décembre. Après cette démarche, on a pris le bus jusqu'à Bavière pour être avec notre père, et plus tard la direction de Liège-Guillemins, pour récupérer le bahut que ma mère avait facturé à la gare de Barcelone.
 
Chaque mois, le marchand de charbon déversait sur notre trottoir les trois cent cinquante kilos. Au début, c'est ma mère qui aidé de mon père rentrait le charbon, à travers le soupirail dans la cave à charbon. Plus tard ce sera mon frère et moi qui le rentrerons. Oh! Ce n'était pas un travail très dur. Avec une petite pelle on remplissait les seaux. Puis on vidait les seaux à travers le soupirail. Il arrivait souvent que le soupirail était rempli. Alors il fallait descendre dans la cave pour dégager le charbon qui obstruait le soupirail. Après on reprenait nos navettes entre le tas de charbon et le soupirail dont la distance était d'environ trois mètres.
 
 
*-Groupe réduit de personnes qui fonctionne de manière indépendante dans une organisation politique ou religieuse. - Le régime fasciste et totalitaire de Franco poursuit tous les espagnol qui s'oppose à sa dictature, sont inclus ceux qui résident à l'étranger-.
 

**-Le salaire d'un mineur est payé en nature et en espèce. Par exemple mon père a droit à trois cent cinquante kilos de charbon tous les mois. Il a aussi droit à des tickets de train. On utilisait ceux-ci pour voyager pendant les vacances d'été à la mer du Nord et au zoo d'Anvers. Voilà comment on passait nos vacances de 1958 à 1963. En 1964 mon père achète une voiture d'occasion et à partir de cette année on passera toujours nos vacances en Espagne.-  
 

***-(institution spécialisé dans la répression des délits politiques).
Il y a une très grande différence entre travailler sous le soleil de plomb Andalou dès l'aube jusqu'au crépuscule, à travailler dans les ténèbres des mines de potasse de Barcelone. Mais Francisco n'a pas peur du travail. Dans la mine, le travail est aussi dur que travailler dans les champs, mais il est mieux rémunéré. Cela lui permet d'envoyer de temps en temps quelques pesetas à sa grand-mère. En 1948, à l'âge de dix-huit ans, quand il fête sa majorité, Francisco abandonne Albuñol (Grenade) et arrive à Sallent (Barcelone). Il se met  immédiatement au travail dans la mine de Potasa del Llobregat (3) aujourd'hui plus connue sous le nom de mine de Río Tinto. 
 
Il logera pendant deux ans dans une chambre garnie. En 1950, il épouse Simona González et ils auront deux garçons en Espagne et une fille en Belgique. En 1951 il est appelé à la mairie pour faire son service militaire. Cependant il ne le fera pas, car il est ouvrier mineur, il est marié et a un enfant à charge. Il se rend bien compte que le salaire de la mine n'est pas suffisant pour couvrir toutes les dépenses. Il veut que sa famille ne manque de rien. Il se souvient de son enfance à Almería où il a manqué de tout. Ceci le motive pour chercher un autre emploi après sa journée à la mine. Comme il connaît le travail agricole, il trouvera toute suite du travail. Un 'Pagés' (agriculteur en catalan) l'embauchera pour travailler dans la 'Masía' (exploitation agricole en catalogne). Son patron le rémunère en nature et en espèce, notamment des fruits, des légumes et du vin. Avec se supplément sa famille vit un peu mieux. Francisco est un homme courageux et très actif, car il trouve encore du temps pour s'occuper de son potager. Il va également chercher du bois pour chauffer la maison durant les rudes hivers que subissent les villages proches des Pyrénées.
 
Antonio commente :
 
“Le souvenir le plus marquant de la vie de mon père, je peux le résumer en disant qu'il a travaillé, travailler et travailler. Cependant  il continue à penser que sa famille n'a pas un logement adéquat. On doit vivre dans
<<<Haut
Logement social à Cheratte
La maison de la Cité de Cheratte
 
"Celle-ci se compose d'un rez-de-chaussée, d'un étage et un grenier. Au début on habitait le bas et une autre famille habitait le haut. Dans le  bas il y avait trois pièces. Un petit salon salle à manger,  une petite cuisine, une très  petite arrière cuisine et un WC.  Comme on n'avait pas de chambres, c'est dans le petit salon que ma mère dressait toutes les nuits les lits. On n'avait pas froid car il y avait un petit poêle à charbon. Dans la cuisine il y avait un grand poêle à charbon pour nous chauffer, mais il servait surtout à cuisiner et à chauffer la grande bassine d'eau pour se laver, car on n'avait pas de salle de bain. La bassine servait aussi pour tremper les vêtements de la mine, avant de les mettre dans la lessiveuse. La petite arrière cuisine, servait de buanderie.
 
Il y avait un évier qui servait non seulement à faire la vaisselle, mais aussi de lavabo. Il y avait trois portes. Une qui donnait accès à la cave à charbon, une autre qui donnait à la cuisine et une autre qui donnait sur un sas d'entrée avec le WC. Vers la fin de l'année 1958, la famille qui habitait l'étage a déménagé. Mon père  demande aux Autorités de la mine d'occuper toute la maison. On lui accorde au début de l'année 1951. Nous étions tous très heureux parce que pour la première fois de notre vie, nous avions un logement où chacun aurait sa propre chambre à coucher".
 
Qu'est-ce qui vous a le plus marqué une fois à Liège ?
 
" Presque rien dit Antonio. '' On était déjà habitué à vivre dans un logement social là-bas à Sallent. Ici à Cheratte on a vécu  vingt  ans,
dans la même maison. Il est vrai aussi qu'on avait plus de confort qu'à Sallent. En ce qui concerne l'apprentissage du français, mon frère qui avait deux ans et moi qui en avait sept, on l'a appris rapidement. Mon père a eu un peu plus difficile. Par contre ma mère a mis beaucoup plus de temps parce que ses voisines étaient italiennes et c'est dans cette langue qu'elles conversaient. Mes parents étaient heureux. Ils ne regrettaient pas d'avoir émigré. Il est vrai que le travail de mon père était pénible mais il était mieux rémunéré qu'en Espagne. Et nous n'avions plus de dettes dans les magasins! Disait mon père en plaisantant.
 
Francisco a un travail, un logement, une épouse et ses deux fils à ses cotés. Que demandé de plus à la vie? Disait-il. Nous avons eu de la chance d'être ici en 1958. En effet, la Belgique organisait l'Exposition Universelle cette année-là. A part l'Atomium qui est le monument qui symbolise la Belgique, c'est le Pavillon de l'URSS qui nous a le plus marqué. Nous avons été émerveillé par le 'Spoutnik' et la chienne Layla qui avait voyagé dans l'espace. 
 
Au charbonnage, Francisco est très apprécié et respecté par la majorité des mineurs, car il défend les droits de ceux-ci, sans être délégué syndical. Mais le bouche à oreilles veut qu'il soit reconnu comme le petit espagnol avec moustache qui aide à résoudre les problèmes. Il a fait grève et manifesté lors de la grande grève de l'hiver 1960/1961. Les dimanches, il fréquente régulièrement la Maison du Peuple de Liège qui s'appelle La Populaire, et est le siège du Parti Socialiste Belge.
 
Ce Centre accueillera en son sein l'Association Républicaine Espagnole  de Liège. Beaucoup d'espagnol fréquent La Populaire pour partager des opinions et boire un verre. Francisco montre un grand intérêt pour les activités de cette organisation, et il se fait beaucoup d'amis.
 
Vers la fin de l'année 1961, un ami l'invite à participer au développement du Club Federico García Lorca (CFGL). A cette date, le siège du Club se trouve Rue du Mont Saint Martin à Liège. Il est  connu de la colonie espagnole pour son aide sociale et culturelle. Le Club est dans une phase croissante de développement avec l'arrivée massive d'émigrants espagnols. Francisco sollicite son carnet de membre et rapidement il s'incorpore dans le comité de direction du Club. Peu après, il sera invité par les membres du Parti Communiste Espagnol (PCE) pour en devenir membres. Pour des raisons de sécurité, le PCE est organisé en petites cellules. Francisco et d'autres Camarades créeront la cellule de Cheratte. Il faut bien se souvenir que nos parents militaient dans la clandestinité.
 
1962: La grève des mineurs asturiens. (6)
 
En Espagne, la lutte contre la dictature s'accroît de jour en jour. La peur du Régime diminue peu à peu chaque jour, et la solidarité, n'a pas de frontières. Le vent de liberté des mineurs asturiens arrive jusqu'à Liège. Le Club Federico García Lorca organise en ville de nombreuses activités de solidarité en faveur des mineurs asturiens. Francisco qui est également mineur, se solidarise et jouera un grand rôle dans la mine de Cheratte, en se faisant le porte-voix de la lutte exemplaire des mineurs asturiens.
 
Francisco qui est également mineur, se solidarise et jouera un grand rôle, en se faisant le porte-voix de la lutte exemplaire des mineurs asturiens. Francisco sera élu Secrétaire du PCE de Liège et il devra assumer durant son Mandat deux événements politiques très graves en Espagne.. Le 20 avril 1963, Julián Grimau (7), responsable de la direction du PCE en Espagne est arrêté et interrogé
des conditions assez serrées dans la maison que la mine a octroyé à son beau-père. En effet, on doit vivre durant six ans, dans le logement familial de mon grand-père maternel. Ce logement a une superficie de plus ou moins soixante mètres carrées. Il se compose d'une salle à manger et de trois chambres pour deux familles de cinq adultes et quatre enfants. Le loyer n'était pas cher et cela compensait les bas salaires des mineurs.”
 
Quel était le salaire de ton père ?
 
En 1948, mon père travaillait pour l'équivalent d'un kilo de pain blanc. Son salaire était de quatorze pesetas par jour, ou de trois cents soixante-quatre pesetas par mois. En francs belges, ce serait l'équivalent de 3,50 BEF par jour ou de 91 BEF par mois. Et ses prestations à la mine étaient de neuf heures quotidiennes et six jours semaine, soit cinquante-quatre heures. Il ne faut jamais oublier d'où l'on vient. < Que de chemin parcouru et combien de batailles nos parents ont dû livrer, pour arriver au résultat de bien-être que nous connaissons aujourd'hui>.
 
Vous ne mangiez pas beaucoup de pain ?
 
''Du pain blanc, bien sûr que non, mais il y avait d'autres pains, moins cher, comme le pain de seigle. Nous consommions aussi d'autres aliments : des pommes de terre, du riz, mais bien sûr pas de pain blanc, ça c’était un luxe! En 1955, à la naissance de mon frère, ma mère arrête de travailler dans l'entreprise de textile de Sallent. Á cette époque-là, il n'y avait pas des allocations familiales en Espagne. Elle gagnait quatre-vingts pesetas par semaine. Ce n'était pas beaucoup, mais c'était une aide. Nous avons dû vivre avec le seul salaire de mon père depuis cette date. En 1957, la situation économique s'était un peu améliorée et les salaires avaient légèrement augmentés. Mais malgré cette augmentation, on ne pouvait pas faire grand-chose. Il fallait avoir une deuxième source de revenu.''
 
Nous pouvons dire que neuf ans après la fin de la guerre civile c’était toujours la misère!
 
''Oui... D'après ce que mon père m'a toujours raconté, ces années-là ont été des années très difficiles. Nous avions des livrets de rationnement et on faisait les achats dans les magasins du quartier ou à la coopérative. Quand on n'avait plus d'argent, les magasins nous donnaient la marchandise à crédit, et à la fin du mois, on payait  nos dettes. Mais il arrivait souvent, que les crédits, tu devais les laisser pour le mois d'après. En résumé et comme mon père avait l'habitude de dire, on était toujours endetté. Nous pouvons dire (entre guillemets) en étant très subjectif, que ceux qui sont restés au village et non pas vendu leurs terres, vivaient mieux que ceux qui avaient émigrés en Catalogne. A Albuñol les agriculteurs qui avaient un lopin de terre à cultiver, et avaient de bonnes récoltes pouvaient donner à manger à leurs familles et ils vendaient l'excédent de leur production. En étant très objectifs, les paysans qui devaient travailler pour un patron, ont bien fait d'émigrer vers le nord de l’Espagne. Chaque fois que je demandais à mon père pourquoi il avait émigré, la réponse était toujours la même, ce sont les conditions économiques qui ont poussé les gens à partir. Il me donnera la même réponse quand il a émigré en Belgique.''
 
La voix courait dans le quartier minier de Sallent, que l'on pouvait émigrer facilement pour travailler dans les mines de charbon. Il était connu de tous, qu'il y avait à Barcelone un avocat, qui remplissait les documents pour travailler à l'étranger. Et les gens venaient de toutes parts, même des plus petits villages de l'Andalousie. Dans d'autres provinces espagnoles il y avait également des autorités qui facilitaient l'émigration. Tous, connaissaient un parent ou un ami, à qui l'avocat avait résolu toute la documentation nécessaire pour immigrer. C'était comme un tsunami qui charriait des milliers de travailleurs. Tous avaient un grand espoir d'émigrer vers l'Allemagne ou la Belgique. Ils croyaient trouver l'Eldorado. Après ils se sont rendus comptes que tout ce qui reluit n'est pas toujours de l'or. En Espagne, on pensait que ici à l'étranger, 'on attachait les chiens avec des saucisses'. Les ouvriers venaient sur des Asturies, d'Andalousie, d'Extremadure et de la Galicie.
 
<cette émigration massive était la conséquence de la politique dictatoriale du franquisme et en deuxième lieu les pénibles conditions économiques en Espagne.>   (4)
 
Antonio commente :
Sur le moment Juan, qui a huit ans, est étonné et il reste un peu abasourdi. Avec courage et conviction, Francisco prend la main de son frère et se mettent en route vers le village de Albuñol (Grenade) où vit leur grand-mère maternelle.  
 
Antonio Sánchez, fils de Francisco, raconte :
 
''Ils sont partis à pied...un grand défi. Les deux frères main dans la main s'en vont parcourir les septante-sept kilomètres qui séparent la ville d’Almería du village d’Albuñol. En chemin ils rencontrent des âmes sensibles qui les font monter soit sur des charrettes ou dans la benne des camions. Ces moyens de transport allègent leur tâche mais la majeure partie du voyage, ils la font à pied jusqu'au village.”
 
Quand ils arrivent au village, la famille n'en croit pas leurs yeux. Ils sont stupéfaits de l'exploit des deux enfants. Leur grand-mère les accueille chez elle et ils reçoivent toute la tendresse et tout l'amour qu’il leur a manqué en ville. Au village, une nouvelle vie commence pour Francisco. Celle-ci sera très distincte de celle qu'il menait en ville. Au lieu de parcourir les rues, il commence à travailler avec les  agriculteurs dans les champs. C'est une dure expérience pour un enfant  de  dix ans, mais  il  n'a  pas  d'autres  alternatives. Ici, il doit gagner le pain de chaque jour, avec la sueur de son front. Il y a des périodes où il travaille en tant qu'agriculteur, mais aussi en tant que berger, en gardant un troupeau de moutons.    
 
Est-il allé à l'école ?
 
“Non...il n'a pas été à l'école”, répond Antonio. L’essentiel et le plus important à ses yeux est d'aider sa grand-mère à l'économie familiale. A Albuñol, dans ces années de post guerre, il n'y a que quelques enfants qui sont scolarisés. Seuls les enfants des riches du village ont la chance d'aller à l'école. Ceci se reproduit dans tous les villages après la guerre civile et la dictature de Franco.  (2)
 
Les années passent et Francisco continue à travailler depuis l'aube jusqu'au crépuscule. Chaque nuit, assis sur le rebord d'un mur et la fraîcheur de la nuit aidant, il pense qu'il est exploité. Il réfléchit que malgré toutes les années qu'il a travaillé au village, il n'a pas épargné un centime. Il se rend bien compte que pour mener une vie normale, il doit absolument quitter Albuñol. L'heure est venue de prendre une décision. Se sera la deuxième fois qu'il doit affronter son destin.
 
Antonio commente :
 
“Mon père m'a toujours raconté l'anecdote de la valise en bois”. Il me disait “Pour prendre la décision de quitter le village, j'y ai pensé et réfléchit beaucoup. Certains gars du village était déjà parti pour Barcelone. Ceux-ci me racontaient que l'on vivait beaucoup mieux en Catalogne et qu'il y avait du travail à la mine de potasse de Sallent (Barcelone). Finalement quand j'ai pris la décision de quitter le village, je me suis rendu compte que pour voyager il faut une valise. Ma grand-mère, gardait quelques pesetas d'un petit héritage de ma mère. Ces quelques pesetas vont me permettre de réaliser mon rêve d'émigrer à Barcelone. Alors je suis allé chez le menuisier pour commander une valise en bois.”
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