Pierre Bachelet - Les corons generacionlorca
(1) Chronologie de la grande grève des mineurs en France La guerre d'Algérie terminée, la société française peut se pencher sur ses propres problèmes. L'année 1963 marque le retour des revendications ouvrières et de l'action syndicale. La grande grève des mineurs en mars en est le symbole. Depuis près de six mois, la CGT-FO tente d'ouvrir des négociations avec les Charbonnages de France sur le statut des mineurs dont le salaire n'a pas été augmenté depuis 1957. La fédération FO des mineurs décide alors de lancer une grève du rendement le 16 janvier 1963. Son secrétaire, André Augard, déclare: «Aujourd'hui la grève du rendement, demain la grève générale.» La grève du rendement dure quinze jours, mais le premier ministre, Georges Pompidou, interdit aux Charbonnages de France d'ouvrir des négociations. Le 29 janvier, la fédération FO des mineurs lance un appel à la grève générale pour le 1er février afin dedébloquer la situation. Le 31 au matin, la CGT emboîte le pas, mais dès le soir elle se rétracte. La grève du 1er février est alors annulée. En effet, le pouvoir vient de promettre d'ouvrir des négociations pour le 15 février. La CFTC et la CGT s'y sont tout de suite ralliées. Les raisons de la CGT sont simples. Le 2 février des accords commerciaux franco-soviétiques, prévoyant l'importation de 1,5 million de tonnes de charbon russe, doivent être signés! André Augard déclarera: «Nous avons été trahis pour une poignée de pois chiches». FO ne participe donc pas à la réunion du 15 février qui est d'ailleurs un échec. En revanche, la fédération FO des mines est reçue par les Charbonnages de France le 19 février. Elle demande une augmentation des salaires de 11%, la semaine de 40 heures et la quatrième semaine de congés payés. Le patronat ne propose que 5,8% d'augmentation. FO remonte donc au créneau et le 27 février, elle appelle à la grève générale pour le 1er mars avec pour slogan: "Pas de sous, pas de charbon". Le lendemain, le gouvernement réquisitionne les mineurs de Lorraine... et échoue totalement. Le jour même, le Bureau confédéral de FO dénonce cette atteinte au droit de grève et «fait savoir qu'il ne fera aucune réponse d'aucune sorte aux invites reçues de la CGT». En effet, cette fois la CGT suit. Le 1er mars, la grève générale est bien suivie et les fédérations des mineurs FO-CFT et CGC se rencontrent pour coordonner leurs actions. Le lendemain, De Gaulle signe le décret de réquisition des mineurs du Nord et envoie les CRS sur les carreaux. Pas un mineur n'obéit. Le 4 mars, la grève est totale dans les bassins du nord, de Lorraine, de la Loire et de Provence. Les bassins d'Auvergne, des Cévennes et les gaziers de Lacq suivent. Devant la volonté des mineurs, Pompidou fonde le 13 mars un comité des sages pour sortir de l'impasse. Le 16 mars, la première rencontre avec les syndicats est jugée décevante par FO. Le 22 mars de grandes manifestations ont lieu dans le Nord, l'Auvergne et les Cévennes. à Lens, les fédérations locales FO-CFTC-CGC-CGT manifestent côte à côte. Finalement le 25 mars, le comité des sages propose 8% d'augmentation. Les mineurs refusent. Débordé, le gouvernement accepte les 11% le 4 avril. Le 5, les mineurs, vainqueurs, reprennent le chemin des puits.
Coups de pinceaux dans le creux d’un souvenir.(17) Annie, fille de mineur en grève !
En 1963, du 1er mars au lundi 8 avril, les mineurs français sont en grève.
(1) Le mineur, qualifié de “premier ouvrier de France” au lendemain de la seconde guerre mondiale, se sentait quinze ans plus tard rejeté d’une économie qu’il avait pourtant largement contribué à relever. Le mouvement surprend par son ampleur. C’est un conflit de trente-huit jours qu’une importante partie de la population soutient en exprimant sa solidarité et en aidant les mineurs par des envois d’argent ou de marchandises. Cette solidarité dépasse largement les frontières, Liège décide d’accueillir les enfants des mineurs en grève pendant les vacances de Pâques. Des centaines de familles d’accueil ne tardent pas à s’inscrire sur les listes des volontaires. Mes parents n’ont pas hésité un seul instant à répondre à l’appel du Syndicat et c’est ainsi qu’Annie une petite française d’origine polonaise est arrivée à la maison. L’arrivée d’Annie a bouleversé mon petit monde. C’est sans doute ces jours-là que j’ai appris une leçon inoubliable : que la solidarité n’est pas seulement un beau mot ! Mes parents m’avaient expliqué que « des mineurs comme papa défendaient leur pain en refusant d’aller travailler et que la situation chez eux était fort difficile, il fallait absolument les aider. Leurs enfants viendraient quelques jours en vacances en Belgique pour les éloigner de la situation dramatique qu’ils étaient en train de vivre et une petite fille serait accueillie chez nous »…
Nous étions allés tous les trois la chercher Place Saint Lambert. Des dizaines de cars en provenance du nord de la France arrivaient bondés d’enfants intimidés voire craintifs par ce qui les attendait pendant ces vacances de Pâques de 1963. J’étais fort nerveuse pour savoir qui allait partager « mon domaine » d’enfant unique pendant les vacances. Annie descendit du car accompagnée par Sonia sa cousine qui la tenait fortement par la main. La séparation des deux petites filles fut dramatique, leurs embrassades et leurs pleurs ne cessèrent que lorsque les familles d’accueil respectives leur firent la promesse qu’elles se reverraient durant le séjour. C’est main dans la main que nous sommes rentrées Annie et moi à la maison. Annie avait à peine 8 ans et c’était la première fois qu’elle quittait ses parents et sa petite sœur. Nous avons tous essayé que son séjour soit le plus agréable possible. Dès que les camarades de parti de mon père on su la nouvelle, nous avons reçu une flopée de visites. Les amis de mes parents voulaient eux aussi participer à leur façon à cette solidarité. Tout le monde voulait connaître Annie et lui offrir un présent, un livre, un jouet, des friandises, des pralines … ce qui me valut une petite pointe de jalousie passagère devant tant d’attentions ! Les vacances terminées les petits « Français » reprirent le chemin de retour. Les adieux ne furent pas faciles, les sourires du premier jour se métamorphosèrent en pleurs pour tout le monde. Les enfants retournaient chez eux, la grève des mineurs n’était pas encore terminée, ils tenaient bon ! C’est à contre cœur que je disais au revoir à ma nouvelle amie, aux bons moments passés, aux jeux partagés, aux rires … Durant de longues années, nous avons échangé des lettres, des cartes postales. Nous nous sommes même retrouvées un jour à Barcelone dans les années 80. Annie était radieuse, elle venait de se marier … Et puis, nous nous sommes perdues de vue définitivement … Le souvenir de la petite franco polonaise revient toujours quand les mots « grève et solidarité » frappent à la porte. Je repars donc place Saint Lambert pour lui redonner la bienvenue ! Georgina Muñoz Gil – mai 2010
Chroniques Correspondants Par Georgina Muñoz
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