Coups de pinceaux dans le creux d’un souvenir.(21) Page 1 de 3
2 Place Saint-Lambert dans les années 60 / 70
Je suis agréablement surprise par les activités du CPCR et par les personnes de tous âges qui sont là ce soir. Ça discute, ça rit, ça prépare une réunion et un souper auquel nous serons conviés… On respire l’initiative et l’engagement de ses membres. Bref, on se sent comme un poisson dans l’eau !
Je suis prête pour la soirée, prête à retrouver « mes vieux de la vieille », “esos antiguos y antiguas jóvenes de los años 60 y 70”. La veille de l’évènement j’accepte l’invitation de Manolo et de Mario qui me demandent un petit coup de main pour monter l’exposition de photo au Centre Poly – Culturel en Resistance. Merveilleuse complicité retrouvée ! Combien de fois n’aurons-nous pas participé à des activités communes tout au long de ces années passées au Lorca ? Le même enthousiasme, la même envie de partager cette connivence qui nous unit désormais grâce à ce projet impensable pour moi il y a à peine un an et demi…
Je regarde la collection de photos éparpillées sur les tables et qui retracent 50 ans de notre histoire. C’est un échantillon succinct qui permettra d’évoquer des moments partagés d’une histoire commune. Je vais de surprise en surprise, ces bribes du passé m’intriguent et j’assaille Mario et Manolo avec mes questions au fur et à mesure de la mise en cadre. Certaines photos restent sans réponse, nous espérons que ces énigmes se dévoilent le lendemain. Les murs du CPCR affichent un demi siècle d’émigration ; fêtes, excursions, manifestations, enterrements, mariages, lutte politique, rencontres, le tout dans un méli mélo en noir et blanc.
C.P.C.R. 19 Novembre 2010 mis place de l'exposition
Des rafales de vent dispersent sans concession une pluie glaciale sur les voyageurs qui traversent le tarmac de l’aéroport. La grisaille me rappelle que je suis de retour au « Pays ». Je reviens après de longues années d’absence et cependant tout est singulièrement familier ; cette opacité du ciel qui refoule violemment un soleil absent, l’humidité qui envahit n’importe quelle faille et m’engourdit au premier assaut… Et puis j’aperçois le visage souriant de l’amie de mon adolescence qui m’ouvre les bras et qui me rassure : je suis toujours « des vôtres ». Il faudrait bien plus que la distance et le temps pour effacer les liens du cœur! J’ai tout de suite pensé à deux phrases qui résumaient bien mes premières sensations. L’une écrite par RM.Rilke qui disait plus ou moins ceci : « la véritable patrie est sans doute le pays de sa propre enfance » et l’autre de Lawrence Durell dans le « quatuor d’Alexandrie » : “Une ville devient un univers lorsqu'on aime un seul de ses habitants… » .
Un voyage au cœur du temps, la soirée du 20 novembre 2010
Une multitude de souvenirs m’assaillent et une aussi une certaine appréhension ; celle de me retrouver face à face avec un passé, des personnes, des lieux, que j’ai figés consciemment pour les emmener intacts quand je suis rentrée en Espagne il y a si longtemps déjà… Le temps et ses cicatrices n’épargnent ni les visages ni les lieux. J’accepte à contre cœur que je ne vais pas retrouver la carte postale d’il y a 37 ans ; toute une vie ! Je suis même prête à accepter les absences… En aucun cas, je ne voudrais nullement que ce retour soit une apologie de la nostalgie, une énumération de regrets pour un temps révolu. Non, je veux du « présent de l’indicatif » même s’il est inéluctablement teinté de souvenirs. Je m’interdis que l’apparition de
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1 Place Saint-Lambert 2010
quelque sorte de remord vienne gâcher ces retrouvailles. Les « si » des conditionnels imparfaits sont enfermés à double tour dans un placard ! Pendant quelques jours et parfois en solitaire, je prends le temps d’apprivoiser à nouveau Liège qui reste ma ville, je le sais et je le sens … où bien est-ce alors le contraire qui se passe? Je consacre mes premières journées aux retrouvailles et à flâner dans tous les quartiers qui me sont familiers et je me surprends ci et là des transformations. Cela ne m’étonne pas, je m’y attendais, mais j’ai cependant des pincements au cœur quand je vois que des pâtés de maisons ont été rasés au nom d’un urbanisme déchaîné et que je digère mal.
Samedi 20 novembre, enfin ! Certains sont là depuis des heures. C’est une ruche en action ! Ça colle des documents sur les murs de l’entrée et l’expo du foot dans le hall, ça fait des tortillas qui embaument toutes les salles, ça prépare l’écran pour la projection, ça brouille d’effervescence pour préparer les tapas, ça court ci et là …pour que tout soit prêt pour accueillir les presque 150 personnes qui ont confirmé leur assistance ! Les convives rentrent par petites vagues et à chaque fois le même scénario se déclenche : des visages souriants, des bras grands ouverts, des accolades, des embrassades, des cris de joie et la cacophonie devient de plus en plus envahissante dès que de vieilles connaissances rentrent dans la salle. Toutes ces émotions me donnent le tournis, j’ai envie de parler avec tout le monde mais cela va être difficile, pendant une bonne partie de la soirée j’ai l’impression d’être une toupie qui tourne au gré des rencontres et des présentations… comment condenser en si peu de temps des lustres de séparation ? Je m’en donne à cœur joie d’aller ci et là vers les gens que je reconnais et me fondre souvent dans une longue étreinte qui remplacera tous les mots que je ne saurai dire. Je jubile intérieurement et extérieurement !
Soirée de retrouvailles au C.P.C.R. Colectivo Generación Lorca Liège 20 Novembre 2010
La transformation est trop brutale à mes yeux, je regrette les vieilles façades cossues de la Place Saint Lambert, mais il s’agit sans doute d’une question de temps pour que j’ajuste ces nouveaux points de repères. Je prends mon temps pour m’adapter à la nouvelle géographie des lieux et de l’accepter même si les changements ne sont pas de mon goût. Quelques heures plus tard après avoir arpenté de nombreuses rues, boulevards, ruelles, impasses et longé les quais de la Meuse et mon vieux quartier du Nord, je me sens complètement en accord avec l’environnement.
3 L’obscurité de la salle nous plonge vers ce voyage dans le temps… le sifflement d’un train qui rentre dans une gare, le visage apeuré d’hommes aux fenêtres des wagons… l’incertitude aussi bien que l’espérance se lit sur leurs visages … les images déferlent comme si on passait les pages d’un album de famille. La voix d’Anna Belen répète un refrain qui colle à la perfection avec les images : « Besos,ternura,y la noche es testigo de esta inmensa locura…Besos ternura, nuestra ruta de amor se convierte en ternura… »
1 historique : il y a tout juste 35 ans le dictateur mourait ! C’est donc l’occasion pour trinquer à nouveau ! Je jette un petit coup d’œil furtif sur le drapeau républicain espagnol qui pend au mur, toujours fidèle toujours synonyme de futur et de progrès. On offre un superbe bouquet de fleurs à Amalia pour la remercier de sa collaboration. Amalia avait passé toute la journée aux fourneaux pour préparer les succulentes tortillas … Avant de nous lancer littéralement sur les tapas, on nous invite à passer dans une autre salle pour visionner les deux diaporamas que les organisateurs ont préparés et que la dextérité Manolo a mis sur pied.
La salle est pleine à craquer et c’est l’heure du verre de l’amitié et des parlements… Manolo,Mario et Jóse nous parlent des objectifs de la rencontre, ils nous remercient et font un petit rappel
Chroniques Correspondants Par Georgina Muñoz
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